L’art du commentaire politique permanent
France, ton nombril te parle
Il y a un pays merveilleux, où tout le monde s’improvise analyste politique du lundi au dimanche, sans interruption. Un pays où l’actualité est mâchée, recrachée, remâchée, puis redigérée par des milliers de bouches en même temps. Ce pays, c’est la France. L’enfer du commentaire politique permanent.
Le commentaire politique permanent, ou l’art d’avoir une opinion sur tout

Dans ce pays étrange, tout le monde a une opinion. Le retraité sur un banc. L’ado sur TikTok, l’ivrogne au PMU, le professeur de lycée, le chauffeur de taxi, l’influenceur en pantoufles et le chroniqueur d’info en continu. Et surtout, surtout, le journaliste politique. Cette créature mythologique capable de faire une émission spéciale de deux heures sur une virgule déplacée dans une interview donnée à 7h30 sur France Inter. On parle ici d’un art français majeur : la dissection de la petite phrase, le commentaire politique permanent.
Le hamster dans sa roue
La France, c’est le seul pays où un ministre peut dire : « il faut faire attention à l’équilibre budgétaire », et où cinq chaînes de télé se mettent en boucle pour analyser ce que ça signifie sur sa position idéologique réelle, sa relation avec le Président, l’éventuelle manif en préparation, et l’impact psychologique sur les électeurs des zones rurales. On en débattra pendant des jours. Jusqu’à ce qu’une autre phrase anodine surgisse ailleurs. Et hop, on recommence. Le hamster dans sa roue redémarre.
Chaque Français est prié de commenter la politique

Mais le pire n’est pas à la télé. Le pire, c’est dehors. Dans les rues, dans les familles, dans les transports, sur les réseaux sociaux. Là où des dizaines de milliers d’apprentis Bigot de Préameneu (un des auteurs du Code civil) dissèquent les moindres articles de lois, brandissent des paragraphes obscurs de propositions jamais débattues, et hurlent à la dictature. Il suffit qu’un député inconnu du Finistère propose d’interdire les cacahuètes dans les salles d’attente pour que Twitter s’enflamme : « LA FRANCE DEVIENT LA CHINE !!! » Et pendant ce temps, dans la vraie vie, rien ne change. Mais le cœur bat plus vite. L’adrénaline grimpe. L’indignation est servie, chaude, à chaque matin.
Indignez-vous ? Non, taisez-vous !
Car c’est bien de cela qu’il s’agit : d’un marché florissant de l’indignation. À chaque jour son micro-scandale ; à chaque heure son débat d’experts ; à chaque minute sa polémique éphémère. L’industrie tourne à plein régime.
L’usine à opinions ne ferme jamais.
Et dans cette usine, les ouvriers sont aussi les consommateurs. Ça s’engueule sur Facebook, ça se bat en famille, ça commente au travail : « Tu as vu ce qu’a dit Bidule ? Non mais c’est une HONTE ! »
Tu ne sais même pas qui est Bidule et tu ne veux pas le savoir. Ca ne t’intéresse pas ! Tu t’en fiche ! Mais c’est trop tard… L’info t’a frappé au coin de l’oreille, et Bidule va vivre dans ton crâne pendant un court moment, contre ta volonté.
Du bruit à n’en plus finir
On vit dans un pays où l’actualité politique est partout. Comme une pluie acide qui tombe en permanence. Tu peux mettre un chapeau, fermer ton parapluie, te couper d’internet… rien n’y fait. Quelqu’un viendra t’en parler. Parce que les gens ne peuvent plus ne pas commenter. C’est devenu un réflexe. Une manière de s’affirmer, d’exister. Même si, dans 90 % des cas, l’info est fausse, mal comprise, déformée, ou parfaitement inutile.
L’addiction au commentaire politique permanent

La politique, en France, n’est plus un champ d’action. C’est une drogue. Une addiction. Et comme toutes les drogues, elle ruine les nerfs. Elle isole, désespère, fatigue, abrutit.
La vérité, c’est qu’on vit dans une volière où les oiseaux répètent en boucle le même mot : « SCANDALE ! ». Et pendant qu’on s’époumone sur les détails les plus insignifiants, la vraie vie, elle, passe tranquillement, sans bruit, loin des plateaux télé et des threads Twitter.
Retrouvez les différents textes des Nouvelles Mythologies Françaises sur la page consacrée.