Réfutons le mythe du citoyen souverain
Réfutons le mythe du citoyen souverain

Depuis l’école primaire, on nous l’inculque avec le sérieux compassé d’un catéchisme républicain : le citoyen est souverain, il détient le pouvoir. Il vote, il décide, il choisit. Les dirigeants sont ses serviteurs temporaires, de simples dépositaires de sa volonté. Dans les manuels d’éducation civique, le président écoute le peuple, les lois répondent à ses besoins, et l’État agit dans son intérêt.

C’est beau.

Mais c’est faux.

A part les retraités, qui croit encore que le citoyen est souverain ?
A part les retraités, qui croit encore que le citoyen est souverain ?

La démocratie représentative, dans sa version moderne, n’a plus grand-chose à voir avec la souveraineté populaire telle qu’idéalisée par Rousseau. Elle est devenue un système où le citoyen se voit offrir l’illusion du choix, dans un cadre où presque tout est déjà décidé.

On vote, certes. Mais pour des blocs programmatiques interchangeables, limités par des traités, bridés par des instances supranationales, verrouillés par des intérêts financiers et diplomatiques qui échappent totalement au contrôle populaire.

Tracter, ou l'art de perdre son temps.
Tracter, ou l’art de perdre son temps.

La plupart des lois françaises ne sont pas issues d’un débat national libre et démocratique. Elles viennent de directives européennes qui sont traduites sans discussion.

Le Conseil constitutionnel filtre le reste selon des critères juridiques techniques qui n’ont rien à voir avec le vote populaire.

Le Conseil d’État et la haute fonction publique orientent les politiques publiques dans une opacité totale.

Les grands choix économiques se prennent en amont, dans des cabinets ministériels, des conseils d’administration, des forums économiques et diplomatiques auxquels aucun citoyen ne participe.

La vraie vie politique ne se joue pas sur les plateaux télé ni dans les urnes, mais dans les coulisses.

Tracter, ou l'art de s'imposer aux autres sans leur consentement.
Tracter, ou l’art de s’imposer aux autres sans leur consentement.

Est-ce un complot ? Non. C’est simplement une réalité : les sociétés complexes ne peuvent pas fonctionner selon le principe de la démocratie directe. Quant à la démocratie représentative c’est avant tout un rituel de légitimation.

L’élection n’est pas un moment de pouvoir, mais de canalisation. Elle transforme la frustration en expression, la colère en bulletin, le rejet en abstention.

Et c’est là que la France se distingue. Elle entretient une mythologie du citoyen-roi, nourrie par les révolutions, la rhétorique égalitariste, la passion du débat et la haine du pouvoir arbitraire.

Le Français croit, dur comme fer, que son opinion est un levier politique. Il manifeste, pétitionne, s’indigne, analyse, commente sans arrêt. Mais la structure du pouvoir est technique, diplomatique, économique, internationale. Elle n’obéit pas aux tweets, ni aux slogans des cortèges de syndicalistes alcoolisés.

Maître Dôgen, moine zen.
Maître Dôgen, moine zen.

En Asie du Sud-Est, à Singapour, au Japon, en Corée du Sud, les citoyens vivent dans des démocraties ou semi-démocraties modernes, mais sans cette fiction permanente de la souveraineté individuelle.

Là-bas, on vote, puis on retourne travailler. On ne débat pas de tout, tout le temps. La politique n’envahit pas chaque repas de famille. Les gouvernants dirigent, les citoyens vivent. La stabilité est préférée à l’illusion de toute-puissance populaire. Et, paradoxalement, ces pays s’en sortent souvent mieux, car l’énergie collective est orientée vers l’économie, la technologie, l’éducation, et non vers le commentaire infini du politique.

En France, nous avons le culte de l’idéologie. Ailleurs, on se concentre sur l’efficacité. Ici, chaque citoyen se prend pour un ministre de l’Intérieur ou un Premier ministre en exil. En Asie, chacun connaît les limites de son pouvoir, et ne s’en porte pas plus mal.

L'avis du citoyen souverain, tout le monde s'en cogne (à juste titre).
L’avis du citoyen souverain, tout le monde s’en cogne (à juste titre).

Le citoyen français croit maîtriser son destin, alors qu’il le subit. Ce n’est pas honteux. C’est même normal. Les sociétés humaines ne peuvent être gouvernées par 67 millions de stratèges. L’enjeu n’est pas de rendre le pouvoir au peuple (car il ne l’a jamais eu), mais de créer un pouvoir responsable, lisible, et au moins un peu plus honnête sur ses mécanismes.

Peut-être qu’un jour, on enseignera aux enfants la vérité : voter, ce n’est pas diriger. Gouverner, ce n’est pas plaire. Et la démocratie n’est pas le pouvoir du peuple, mais une forme sophistiquée de gestion des foules.

Retrouvez les différents textes des Nouvelles Mythologies Françaises sur la page consacrée.

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